Voilà 10 ans qu'elle avait quitté la région. Elle s'appelait alors Kamla Gadi ; la soeur d'Hafida est revenue, mais n'en a pas fini avec l'athlé : elle a réorienté sa carrière sportive, sa carrière tout court et sa vie. Voici donc Kamla Parache, internationale de course de montagne.

Kamla, qu'est-ce qui vous a poussé à quitter la région ?
« J'étais au Coq et je faisais surtout du cross. Et pour raisons professionnelles, je suis allée dans le Midi, Nice, Juan les Pins, Draguignan Il me fallait trouver du travail mais avec mes origines, ce n'était pas facile, c'était même un handicap. »
Vous pensez vraiment que vos difficultés étaient liées à votre nom ?
« Je n'ai jamais pu avoir un C.D.I. Je remplaçais à France Télécom, à Carrefour, ailleurs encore, mais on ne prenait pas les personnes maghrébines. »
Vous avez alors décidé de changer d'orientation
« J'ai repris des études à 27 ans pour devenir thérapeute de médecine traditionnelle chinoise. Aujourd'hui, j'ai le droit de m'installer, même si dans ce domaine ce n'est jamais terminé, c'est toute la vie que l'on apprend. Avec mon mari, on va ouvrir un cabinet à Saint-Étienne : nous sommes tous les deux thérapeutes. »
En matière d'athlétisme, vous avez désormais choisi la course de montagne et ça vous réussit plutôt bien !
« À ma première épreuve, j'ai obtenu ma sélection en équipe de France pour les championnats du monde en 2006 après seulement trois semaines d'entraînement spécifique. C'était un coup de chance et ça m'a beaucoup motivée. Aujourd'hui c'est Kamel Bencheikh qui m'entraîne à distance ; il habite à Besançon et je ne l'ai jamais vu ! Je n'ai pourtant jamais eu d'aussi bons résultats. »
Ça n'a tout de même pas été aussi facile que cela ?
« Non, parce qu'avant, je me suis entraînée comme une pro. Je voulais une place en équipe de France, n'importe laquelle. Je l'ai obtenue et à Bursa en Turquie, j'ai terminé 29e au championnat du Monde. »
La course à pied, qu'est-ce que ça représente pour vous ?
«C'est ce qui m'a permis de m'échapper du quotidien. Avec ma soeur (N.D.L.R. : Hafida Gadi-Richard), on a eu la chance de voyager, on a vu autre chose. La course à pied, c'est un bien-être moral et psychologique, et l'athlé, c'est comme une famille. »
Pourtant au début, c'est plutôt dur ?
« Pour débuter, on n'avais vraiment pas grand-chose : je courais avec un short de ma soeur et je le remontais sur les jambes parce qu'il était trop long ! Mais heureusement, ça a changé maintenant. »
Vous habitiez Istres, vous voilà installée à Craponne. La transition n'a pas été trop rude ?
«Pas pour moi : je suis Stéphanoise. Je craignais plus pour mon mari, il a tout laissé dans le Midi. Mais cela s'est bien passé. On voulait une maison en pierres, avec beaucoup d'espace, et Dieu merci, on l'a eue. Cela correspond à notre vision des choses, à notre façon plutôt « écolo » de vivre. »
Vous avez donc signé à l'A.C.O. Quelles sont vos projets pour cette saison ?
« Je voudrais tout miser sur la course de montagne. Actuellement, je suis 4e Française et je veux rentrer dans les 3 premières, avoir ma médaille. Je m'entraîne beaucoup depuis un an, comme une pro, je fais attention à mon alimentation, je me restreins alors que j'aime bien manger ; c'est très difficile, c'est même de la folie, mais je voudrais vraiment terminer ma carrière sur une médaille individuelle. »
Vous avez dit être surprise par certaines performances...
«Il y a parfois de très gros écarts entre les meilleurs et le reste des athlètes : quand il y a 10 minutes sur un semi, il y a de quoi se poser des questions. Et 2 h 15 au marathon pour une femme, il faut arrêter ! »
Et vous ?
«Je n'utilise même pas de crèmes cosmétiques de peur d'être contrôlée positive ! »