Guillaume Millet travaille au sein du laboratoire PPEH sur les conséquences d'une course à pied de 24 heures.
Il est professeur d'Université, physiologiste, mais aussi ultra-trailer ou bien pour les non-initiés, spécialiste de courses de longue durée ; il s'est d'ailleurs illustré dans les deux dernières éditions de l'Ultratrail du Mont-Blanc, le fameux UTMB. C'est donc en toute logique que dans le cadre de ses recherches Guillaume Millet a lancé une étude pour connaître les conséquences en terme de fatigue d'une course à pied de 24 heures. Un travail original puisque jamais encore une telle recherche n'avait eu lieu en labo. Le décor, c'est le service de médecine du Sport au C.H.U. de Saint-Étienne qui le plante. Quant à l'opération elle-même, c'est le principal intéressé qui en parle. Quel dispositif avez-vous mis en place pour cette étude ? « Les sujets qui ont accepté de participer à cette étude sont venus courir 24 heures sur un tapis roulant, avec des mesures diverses et variées et qui visent à explorer le mécanisme de la fatigue extrême. » Qui sont vos « cobayes » ? « Au départ, il y a 14 sujets, tous coureurs de tous niveaux, et 14 autres qui constituent le groupe contrôle : eux ne courent pas, mais ne dorment pas non plus. Ils viennent de toute la France, mais aussi pour moitié du bassin stéphanois. Grâce à la revue spécialisée « Ultrafondus » et à son rédacteur en chef Philippe Billard, qui fait d'ailleurs le test lui-même, nous avons pu avoir des gens de tous les horizons. » Et comment se comportent-ils ? « Tous sont très motivés, autant et même plus qu'en compétition. Ils sont à fond dedans, je n'ai jamais vu de sujets aussi motivés pour un test. » Concrètement, cela se déroule comment ? « En deux phases : une visite d'inclusion pour vérifier que le sujet est apte à subir le test, puis le test lui-même ; le vendredi matin, il y a toute la préparation avec les analyses, la pose des électrodes. Puis à partir de 16 heures commence le test. » Quelle fatigue vous intéresse en l'occurrence ? « Il s'agit de la fatigue musculaire, ce que l'on peut définir comme la perte de force des muscles, et dans ce cas précis, pour faire simple, les quadriceps et le mollet. On cherche donc à savoir pourquoi. » Mais vous différenciez deux types de fatigue.... «Oui, c'est important : soit ça se passe en amont et cela touche le cerveau ; c'est ce que l'on peut appeler l'aspect nerveux du muscle, et il s'agira alors de fatigue centrale. Et/ou c'est le muscle lui-même qui est en cause, et on parle alors de fatigue périphérique. » Et pour juger de cette fatigue, que faites-vous ? « Il y a encore de multiples paramètres qui peuvent bouger, et on doit donc mener des analyses complémentaires. On mesure la perte de force par des stimulations électriques, on fait des analyses de sang et deux biopsies musculaires, l'une avant le test et l'autre après ; on est alors dans le périphérique. Pour les aspects centraux, on mesure les conséquences sur la réflexion et l'attention grâce à un batterie de tests, du calcul mental par exemple. » Qu'attendez-vous des résultats ? « Pour ce qui est des aspects fondamentaux, on pourra mesurer alors les conséquences physiologiques de ce type d'effort, puis derrière, on espère des retombées, en biomécanique ou sur les contenus d'entraînement. Par exemple en utilisant l'étude sur la dégradation de la technique de course. » Qu'est-ce qui différencie votre travail de ce qui existe déjà ? « C'est une première en laboratoire. Il y a eu des études avant et après les épreuves, et évidemment, jamais pendant. Et il y a eu beaucoup de choses de faites jusqu'au marathon, mais peu au-delà. » Vous avez déjà tiré quelques enseignements ? « Les premiers résultats que nous avons nous permettent de penser que les conséquences sont très différentes entre un marathon et une course de très longue durée. Et que ce ne sont pas les épreuves les plus longues qui ont les conséquences les plus dramatiques au niveau musculaire. Car dans ce cas, la vitesse est faible, la fatigue élevée mais il s'agit d'une fatigue centrale. » Il serait donc moins épuisant de courir un 100 km qu'un marathon ? « Au niveau périphérique, le muscle ne souffre pas tant que ça ; c'était d'ailleurs une de nos hypothèses. Il y a une perte de force musculaire de 40 à 50 %, mais c'est de la fatigue centrale : on n'est plus capable de contracter un muscle, alors que l'on peut encore le faire grâce à une stimulation électrique. C'est ce qui permet des enchaînements de courses étonnants : Karine Herry - meilleure Française d'ultra - a gagné les Templiers, et la semaine suivante, la Réunion. » PHILIPPE DÉCOT
les Réactions
Commentez cette actualité
Pour commenter une actualité il faut posséder un compte sur le site FFA, utilisez la rubrique ci-dessous pour vous identifier ou vous créer un compte.