Lors des 24h de St Fons disputés le week-end dernier, Stéphane Collard, licencié à Athlé 43, et Christophe Laborie progresseront de concert et il en ira ainsi jusqu’au premiers tiers de la course, où Christophe Laborie ne se sentant pas en condition pour lutter contre Stéphane Collard, décidera avec sagesse de suivre sa propre voie. Les heures s’égrènent, la nuit tombe et de plus en plus de concurrents commencent à alterner pseudo marche athlétique avec course, ou imitent des manchots se dandinant sur la banquise, quand d’autres privilégient un arrêt massage, ou encore un roupillon dans le gymnase. Sans adversaire, Stéphane Collard coupe les 200 km en 19h30’. Au lever du jour, à moins de 3 heures de l’échéance, ce garçon courageux trouvera même les ressources pour relancer la machine. Galvanisé par le public, il s’envolera et affichera un nouveau record personnel de 243,061 km, soit une progression de 25 km.

Membre de l’Athle 43, Stéphane Collard, 37 ans a non seulement remporté les 24 heures de Saint-Fons, mais il a également pulvérisé son record, pour le porter de 218,964 km à 243,061 km. Une progression logique. Explication :

Quel était ton précédent record ?

L’an dernier à Saint-Fons, j’avais réalisé 218,964 km à l’occasion de ma première tentative sur circuit, car auparavant j’avais effectué un 24 heures sur un tapis roulant, encadré par Guillaume Millet à l’Hôpital de Bellevue, dans le cadre d’une étude sur la fatigue des coureurs de fond. Ensuite, en novembre 2008 j’ai voulu rechausser sur 24 heures, à l’occasion des 24 heures d’Aulnat, où j’ai lamentablement abandonné après 12h30’ de course, parce que j’avais été malade la semaine d’avant. Cette année je me suis bien préparé. Je n’ai pas été malade et suite à cette seconde victoire, accompagnée d’un nouveau record personnel, plus de celui de l’épreuve qui était la propriété de Fabien Hobléa depuis 2006, qui lui aussi avait débuté à Saint-Fons et qui possède aujourd’hui un palmarès international, digne du plus grand respect, je me sens au paradis.

Qu’as-tu fait avant de te lancer sur 24 heures ?
Je courais pour le plaisir, mais je ne faisais pas de compétitions, parce que je n’avançais pas vite. Donc, je n’intéressais personne. Mais un jour avec des copains, on s’est lancé sur la SaintéLyon en relais et quand on a vu des V3, qui allaient au bout en individuel, on s’est dit que l’on devrait également être capable de relever ce genre de défi. En 2003, c’était parti. Je l’ai refaite à plusieurs reprises et à chaque fois, j’ai amélioré mon temps. Après, j’ai couru les 100 km de Millau en 9h43’ et en 2007, j’ai fini 186ième de l’UTMB.

On ne décide pas de s’engager sur un 24 heures par hasard, qu’apprécies-tu dans cette discipline et quel est le ressort de ta motivation ?
Déjà, il y a l’ambiance. C’est unique. Si la compétition existe, elle se conçoit contre soi-même. Là, le second va encourager le leader et entres tous les participants, il règne un esprit de fraternité. Aussi, en ce qui me concerne, je considère un peu le 24 heures comme un voyage au bout duquel, on se découvre. Enfin, c’est la seule discipline, où j’ai goûté aux joies de la victoire.

Comment avais-tu préparé ton premier 24 heures ?

J’avais cherché des plans d’entraînement sur le net et j’ai consulté les forums. Mais, ce n’était pas la bonne méthode. J’ai accumulé un kilométrage phénoménal et quand j’ai présenté mon programme à Philippe Propage, mon entraîneur, il m’a demandé, vu les allures auxquelles je m’entraînais, si je ne préparais pas des semi-marathons, voir un marathon.

Qu’a-t-il modifié ?
On est reparti sur de nouvelles bases. Je suis passé de 214 km par semaine, à 158 et avec des vitesses d’entraînement super réduites et aux alentours des 11 km/h. Franchement, j’avais de gros doutes. Je me demandais si cette méthode allait être efficiente.

Donc, suite à cette nouvelle préparation, quel était ton objectif ?
Déjà, je voulais finir. L’expérience d’Aulnat m’avait fait trop mal. J’en étais arrivé à un point, où je me demandais si ma victoire en 2008 n’était pas due à gros coup de chance et si j’étais vraiment fait pour le 24 heures. Donc, sur la ligne de départ, j’étais assez anxieux. Pourtant au fond de moi, je voulais battre mon record et je rêvais de passer cette barre symbolique des 240 km.

Justement, comment s’est déroulé l’effort ?
En accord avec mon entraîneur, on avait convenu que je cours les 6 premières heures à 11 km/h. Comme avec Christophe Laborie on tournait pas mal, j’ai poursuivi sur ce rythme, jusqu’à la 8ième heure. Après au fil des heures, j’ai réduit la moyenne par paliers en passant à 10,5, puis 10 et ainsi de suite, pour descendre à 9. Mais dans les 4 dernières heures, j’ai joué mon va-tout et je suis remonté à 11,5.

Et au niveau du vécu, qu’as-tu ressenti durant cette journée de course ?
L’estomac m’a laissé tranquille et je n’ai pas enduré tellement de douleurs musculaires. Je me suis fait masser régulièrement, donc pas de soucis au niveau des cuisses. J’ai plus souffert d’un état de fatigue, avec l’envie d’aller dormir.

Une fois en tête et en mesure de pulvériser son record est-ce que l’on ne vit pas des moments d’euphorie ?
Si, par moments j’étais complètement euphorique. Toutefois, à ces périodes succédaient des gros coups de bambou. La difficulté a été de gérer cette alternance. A la fin, il suffit de serrer les dents et ça valait le coup de se faire mal pendant les 4 dernières heures.

Et l’alimentation ?
Je me suis inspiré de Fabien Hobléa. Je m’alimentais aux heures des repas. Je mangeais des pâtes. Et après, je complétais avec des cacahuètes, des bananes, du jus d’orange, du coca, du Saint-Yorre, mais surtout pas avec des boissons énergétiques, qui me mettent l’estomac et les tripes en vrac.

Depuis la réalisation de cette performance de haut niveau, que ressens-tu ?
C’est le nirvana.

Lorsque que l’on réalise un peu plus de 243 km, est-ce que cela ne donne pas des idées ?
L’équipe de France serait un rêve. Comme tout sportif, j’aimerais porter un jour les couleurs de mon pays.

La prochaine fois, ne vas-tu pas t’attaquer aux 250 km ?
Pas de précipitation. Je vais déjà essayer de confirmer, même si je vais envisager les 250 km. Cependant, à ce niveau les km sont durs à aller chercher. Je vais discuter de cela avec mon entraîneur. Va-t-on modifier le plan d’entraînement ou non ? A lui de voir. Ca relève de sa compétence, car je ne suis pas féru de ça.

Parviens-tu à concilier correctement vie professionnelle et entraînement ?
Officier chez les sapeurs pompiers, je travaille comme tout le monde. Je m’entraîne énormément entre 12 et 14 heures. Je prends également sur mon sommeil pour concilier tout ça avec la vie de famille. Je suis marié et j’ai 3 enfants. En plus, ma femme est infirmière et travaille les week-ends. Donc, l’emploi du temps est serré.

Quel sera le prochain 24 heures ?
Je vais peut-être refaire Aulnat, histoire entre guillemets de laver l’affront vécu l’an passé. Toutefois, je privilégierai peut-être les 100 km de Millau, pour l’ambiance et la beauté des paysages et j’aimerais bien faire mieux que mes 9h45’ de 2006. Maintenant que j’ai entraîneur, je devrais pouvoir descendre sous les 8h30’, voir les 8 heures.

Christophe Rochotte pour RUNINLIVE